Change l'état d'agrégation de ton chagrin

Poche/Gve
Mise en scène/chorégraphie: Anna van Brée
Durée:

Lieu et année de création: Poche/Gve, Genève – 2018

Langue:

// God bless the child that got his own. // Billy Holliday On ne parle pas de la mort d’un enfant. Mais de l’impact de son choix de // quitter ce monde // sur ceux qui restent. Son geste est un geste libérateur, révolutionnaire, mais incompris et inacceptable pour son entourage. Il faudra le temps de la représentation pour comprendre que les germes de son acte, les interrogations qui l’ont poussé à partir, se trouvaient déjà dans les questionnements de la tribu de femmes, la devenue-vieille, la mère et les soeur(s) qu’il a laissées derrière lui. Comme on chemine à travers le deuil aujourd’hui, sans balises, sans rituels communs, forcé à tracer, vite et seul, sa propre piste vers la réintégration de la communauté. // Nous souffrons tous et toi tu te permets de partir, de cesser de supporter ce que nous supportons tous ! // Le droit au suicide découle d’une idée de propriété de soi-même, est-on en droit de soustraire la possession de soi du partage avec les autres, aux côtés des autres ? L’enjeu est d’essayer de comprendre l’impact de cette auto-exclusion volontaire du pacte social. Les femmes qui ont perdu l’enfant continuent à l’imaginer, à lui parler, à le faire exister en fiction comme pour prendre le temps d’aller au bout de leur relation qu’il a décidé d’abréger. Afin d’avoir enfin le courage de le faire disparaître, de jeter sur son corps mort la dernière poignée de terre. Alors on lui construit une sorte de biographie augmentée. On réinvente une pratique de l’enchantement pour aller contre le mouvement général de rationalité et de désenchantement. La religion interdisait et punissait le suicide, aujourd’hui la psychiatrie (dé)classe la personne comme malade. // Ici repose un enfant tombé pour le rien oubliez-le souvent aussi souvent que possible // L’enfant continue à errer dans le théâtre. Un fantôme qui ne peut et/ou ne veut pas partir. Son souvenir est retenu par les rituels mis en place par les vivant.e.s. Des pleureuses des temps modernes sans pratiques et sans rituels. Il reste enfermé dans une boîte en verre et longe les parois du théâtre. A force d’attendre le moment de son départ, l’enfant a déjà grandi. Mais le processus de deuil défectueux tourne en boucle comme un disque rayé. On lutte par la fiction, on propose des oracles, on réinvente des rituels, on creuse dans les souvenirs, on tricote un sens, on ouvre les vannes de ces émotions, on tripote les faits et on met à distance. Nous allons mettre à profit l’ensemble des outils, genres, codes théâtraux, développer la dextérité à passer de l’un à l’autre. Il n’y a pas de vérité de cet événement, il n’y a que des reflets dans des yeux différents. Jouer avec les trois actrices sur tout le spectre entre l’incarnation complète et la distanciation totale. Une question se pose : est-ce que notre rapport contemporain aux émotions nous permet encore de nous frotter à des sentiments tragiques sur un plateau ? Cette question est présente à l’intérieur même de la fable, dans le problème que les personnages rencontrent pour réinventer leurs propres rituels mortuaires, leur manière à eux de veiller et de pleurer la mort intentionnelle d’un enfant. Les femmes qui demeurent cherchent à lui redonner un corps qui puisse renouer avec des tensions fécondes - entre biologie et construction sociale, matière et sens, objet et sujet - dont le corps mort est le lieu. La figure de l’enfant est autre : il a un autre statut, aussi sur le plateau. Hors scène, horsjeu, cette allégorie de celui qui a choisi de devenir l’outsider est prise en charge par un performeur plus qu’un acteur, muet, marginal. Mais, il reste entre les murs, le regard bienveillant sur ces femmes, il attend qu’elles soient prêtes. Jour après jour, représentation après représentation. La représentation comme un cycle, une répétition, une remise en jeu journalière jusqu’au moment où on est capable de se séparer de l’enfant. La tentative d’inventer de nouveaux rituels, créer un paysage de veillées et de deuil. L’espace de la représentation est conçu comme un atrium, une fosse, une plaie archéologique, un bac à sable/un terrain d’expérimentation ; le territoire des survivantes. Un vivarium, un miroir vers le réel, un trou dans le ciel, une vitre qui sépare le domaine de l’enfant. Chacun construit son propre rapport à cet espace, trouve ses marques et les chemins que prend son corps à l’intérieur. Comme les vers creusent des galeries.

Poche/Gve
4, rue de la Boulangerie
1204 Genève
Suisse

+41 22 310 42 21
poche---gve.ch

Mathieu Bertholet, Direction artistique
+41 22 310 42 21
direction@pochegve.ch

Mise en scène
Anna van Brée

Auteur·ices
Katja Brunner

Production
Poche/Gve

Création
Poche/Gve, Genève
Le 23 avril 2018

Assistanat à la mise en scène
Lola Giouse
Interprétation
Barbara Baker
Marika Dreistadt
Judith Goudal
Salou Sadras
Scénographie
Carla Joboyedoff
Anna Van Brée
Lumière
Colin Legras
Son
Aurélien Chouzenoux
Construction du décor
Atelier du Lignon
Mais encore
Traduction: Marina Skalova
Dramaturgie
Marina Skalova

Aucune représentation

Poche/Gve, Genève
23 avril au 13 mai 2018

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