Les nuits enceintes

Deux sœurs usées par la vie se retrouvent dans le domaine familial défait par des chantiers dʼautoroute et de lotissement aujourdʼhui à lʼarrêt. Elles perçoivent au loin les rumeurs dʼun groupe qui sʼest installé dans la forêt, inventant dʼautres manières de vivre. Trois nuits durant, avec leurs proches, elles se débattent entre un monde proche de lʼautodestruction et un futur réconcilié. Sam et Mélisandre sont sœurs, mais beaucoup les opposent. La première a fait et refait sa vie avant de revenir au domaine. Lʼautre est restée, solitaire et renfermée. Elles sont chacune secondées par un homme, ombre dʼelles-mêmes plus quʼamant. Elles tentent, ou ont tenté, de survivre dans un monde dans lequel elles ne se repéraient plus. Leurs nuits nʼenfantent plus ni jeunesse ni rêve depuis longtemps. Elles ne semblent pas avoir de famille, au sens où on lʼentend habituellement, pourtant elles ont hérité dʼun domaine immense, avec une grande maison aujourdʼhui délabrée et des champs, forêts, étang et torrent. Mais la nature qui les entoure et qui a accueilli leur enfance a été défigurée par des projets immobiliers. Cʼétait avant la crise financière, qui a stoppé ces chantiers laissés inachevés. Le monde autour dʼelles, jadis courant derrière la performance et lʼefficacité, ressemble aux deux sœurs, à lʼarrêt, incertain, proche de la ruine. Cet environnement épuisé va être réveillé par une communauté qui est venue sʼinstaller entre la forêt et le marais asséché. Elle bricole, trafique le territoire quʼelle a investi, tisse dʼautres liens avec la nature, vit différemment. Lou, la nouvelle compagne de Sam, et Maxime, lʼado qui arrive de la forêt, confrontent bientôt les deux sœurs à ce quʼelles sont devenues. Le théâtre de Guillaume Béguin est rêveur, tramant des mondes à la fois réels et fantomatiques. Comme souvent, le metteur en scène, qui signe ici son premier texte dramatique, interroge ce qui unit ou désunit nos héritages et nos descendants. Cette fois, à travers les personnages de ces deux sœurs et la métaphore de la nuit comme métamorphose, il regarde une société asphyxiée par lʼexploitation à outrance de son environnement, et qui porte en elle le rêve de son propre bouleversement.