SLOOP3: Nino

Poche/Gve
Mise en scène/chorégraphie:
Durée:

Lieu et année de création: , y

Langue:

Nino pleure. On ne sait pas pourquoi, c’est un bébé et, les bébés, on ne sait pas vraiment pourquoi ils pleurent. Alors, chacun y va de son petit commentaire, de son petit conseil, de son petit jugement. Chacun y va, toujours avec politesse et bienveillance... Nino pleure. Pour l’endormir, quelle est la meilleure méthode ? Qui est le meilleur père ? La meilleure mère ? Moi je dis ça je dis rien... Nino pleure. Et sa mère ? Que fait-elle ? Qui est-elle ? Est-elle encore une bonne amie ? Une bonne épouse ? Peut-elle encore être une femme ? Nino pleure. À croire qu’il ne s’arrêtera pas. Pas avant de nous avoir tous rendus fous... Comédie grinçante, la pièce met en scène deux jeunes parents et leurs proches face à un défi de taille : endormir Nino, un an, qui ne cesse de pleurer dans la pièce d’à côté. De conseils en analyses, les pleurs de l’enfant les renvoient tour à tour à leur impuissance, à leur insuffisance, à leurs frustrations et à leur terreur d’être au monde. Avec un humour et une intelligence redoutables, Rébecca Déraspe interroge le rapport de trois femmes et deux hommes à la figure maternelle et pose la question qui fâche encore nos sociétés modernes : une Mère a-t-elle le droit de disposer d’elle-même ? EXTRAITS D'ENTRETIEN avec Rébecca Déraspe Comment est née l’idée de Nino ? Pouvez-vous nous raconter la manière dont vous avez travaillé et dont le texte s’est construit ? La nécessité d’écrire Nino est arrivée quelques mois après la naissance de ma fille. Le bonheur inouï de mettre un enfant au monde a vite été mêlé à une pression sociale difficile à subir au quotidien. J’avais l’impression que l’Autre – des amis sans enfant, des voisins avec enfant, l’inconnu au coin de la rue – savait mieux que moi comment s’occuper de ma fille. Les conseils de « Moi-Je-Sais-Mieux-Que-Toi », les regards désapprobateurs, les sourires faussement empathiques et cette solitude immense et indélogeable. Mais ce que l’Autre ne savait pas, c’est que moi aussi je l’observais: sa façon de me dire, de m’abandonner, d’oublier, de ne pas entendre, de se regarder. Et dès que j’ai eu un peu de temps devant moi, je me suis assise à l’ordinateur et j’ai écrit. Rapidement. Comme pour survivre à quelque chose qui était sur le point de m’asphyxier complètement. J’ai écrit le premier jet de Nino en deux semaines seulement. C’était littéralement ça : je devais survivre à la pression sociale et le seul remède que je connaissais était l’écriture. Et la structure de la pièce est à l’image du processus. Les personnages sont enfermés dans un lieu et ne pourront en sortir que définitivement, sans jamais y remettre les pieds. C’est par l’humour que j’ai abordé la problématique. Les dialogues rythmés, les nons-dits, les silences qui n’arrivent jamais servent à la fois le propos, à la fois la structure. Tout le monde parle toujours. Même si personne n’a rien de réellement important à dire. Et surtout, personne n’écoute pour de vrai. L’empathie, la vraie, celle qui pourrait faire en sorte que quelqu’un quelque part s’apaise, est quasi absente de la pièce. Et pourtant, tout le monde en aurait besoin. Nino interroge les rapports de pouvoir au sein d’une famille après l’arrivée d’un nouveau- né. Au-delà des questions d’éducation, les personnages de la pièce ne sont-ils pas tous et tour à tour renvoyés à eux-mêmes ? Qu’ont-ils à (se) prouver ? L’arrivée d’un nouveau-né entraine un mouvement intérieur et extérieur d’une virulence à la fois belle et impitoyable. La naissance vient avec le deuil de l’avant et ça peut être cruel. Il faut redéfinir son rapport au monde, à son partenaire, à ses propres parents et à son lieu de vie. Tout se transforme. On voudrait correspondre aux lectures que l’on fait, aux exemples qui nous ont été donnés, aux modèles. En plus de devoir correspondre à nos propres visions de ce qu’est la parentalité, on doit correspondre aux standards établis par la société. Devenir parent, c’est à la fois devenir responsable de la Vie, à la fois être renvoyés à notre propre vulnérabilité, voire à nos propres blessures d’enfance. Dans Nino, les pleurs de bébé renvoient les personnages à leurs propres cris, leurs propres abandons. Et ils essaient de s’en sortir, de trouver chez l’Autre un peu d’empathie, de réconfort, de justification de ce qu’ils disent, de ce qu’ils sont. Mais ils sont tous incompétents dans le rôle qui leur a été donné. SLOOP3 Trois comédies québécoises et un drame suédo-tunisien nous racontent les crises de l’intime contemporain. D’un côté, la radicalisation de la norme, le bonheur-marchandise, l’existence mappée par les architectes de la réussite, les designers de l’épanouissement, les ingénieurs de l’amour et les développeurs de l’indépendance. De l’autre, les démons que l’on porte en nous, nos // i-monsters //, avatars monstrueux tapis dans des recoins de plus en plus retranchés de nos êtres, qui nous dérangent et nous empêchent de correspondre-à, de nous fondre-dans, d’être reconnus-comme. C’est au risque d’abandonner le politiquement correct, de froisser la bien-pensance et de heurter les bons sentiments que les quatre auteurs du sloop3 nous font entendre, voir et ressentir, sans concessions et dans toute sa complexité, notre (in)humanité. Pour ce faire, ce n’est pas moins de quatorze rôles que se partageront les cinq acteurs du sloop, un défi d’interprétation et de mise en scène qu’a accepté de relever le collectif d’artistes formé au POCHE /GVE pour l’occasion. D’un texte à l’autre, d’une performance à l’autre, ils nous réjouiront à la fois d’une prouesse artistique et d’une authentique pensée à l’œuvre.

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Auteur·ices
Rébecca Déraspe

Production
Poche/Gve

Assistanat à la mise en scène
Lucile Carré
Scénographie
Sylvie Kleiber
Lumière
Jonas Bühler
Musique
Andrès Garcia
Costumes
Paola Mulone
Maquillage
Katrine Zingg
Dramaturgie
Pauline Peyrade

Aucune représentation

Poche/Gve, Genève
5 décembre 2016 au 29 janvier 2017

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