LES HEROS DE LA PENSEE
Numero23Prod
Mise en scène/chorégraphie:
Durée: minutes
Lieu et année de création: Centre Dramatique National - Nanterre Amandiers, Nanterre – 2018
Le contexte:
Le théâtre Nanterre Amandiers, centre dramatique national, interroge, dans un festival intitulé Mondes possibles, les événements de mai 68 à travers différentes créations artistiques qui défrichent des territoires utopiques. Pendant ce printemps, le théâtre laisse sa porte grande ouverte et s’affranchit de la séparation entre intérieur et extérieur, scène et plein air, ville et théâtre. Une manière de se demander comment faire encore monde ensemble.
Pour envisager un autre monde possible, et pour reprendre une utopie énoncée par Roland Barthes et par Michel Foucault à la fin des années 1960, nous aimerions envisager la « mort de l’auteur » en tant que personne reconnaissable, isolée, spécialisée, autorisée, identifiée, afin de rendre visible et effective une parole partagée, qui circule, qui se construit à plusieurs. Nous invitons des penseurs et chercheurs de différentes disciplines, histoire, anthropologie, sociologie, philosophie, littérature, et avec eux tous, nous souhaitons effacer la signature individuelle, mais non la singularité de la pensée. Par un dispositif de recouvrement des signes identitaires (noms, vêtements, visages, genre), nous mettons en évidence une certaine forme de sincérité, de discrétion et peut-être de modestie : les idées passent par des récits, des anecdotes, des chemins de traverse. Nous aimerions trouver une façon de dire le monde sans l’affirmer, sans autorité ni droit d’auteur. Il s’agit, par des histoires simples, de montrer une pensée complexe au travail, en mouvement, jamais figée. En ayant recours à des exemples, des situations, des expériences, nous voudrions que chaque personne du public puisse réfléchir à la lumière de ces récits, de ces propositions, et qu’il découvre un monde plein de paradoxes et de curiosités. Les pensées peuvent se développer, s’échanger, se raconter dans le jeu, dans la fête, dans l’attention à l’autre. Tout cela comme une sorte de danse macabre, inquiétante et joyeuse, qui célèbre aussi bien la fin que la renaissance.
Le dispositif :
installation des Frères Chapuisat
Les penseurs, en costume trois pièces écossais rouge et orange, portent un maquillage expressionniste, regards noirs, peau blanche, grande bouche rouge, qui rend leur visage semblable. Ils sont installés dans le dispositif des Frères Chapuisat, gigantesque sculpture installation de différents bâtiments en bois, comme des tours ou des tentes, et le public qui se trouve sur la scène. Le titre de la performance signale qu’il est question de la fin (fin dans le temps, fin du temps, fin du monde ou fin de la fin). Il s’agit donc d’un congrès, ou d’une conversation dont le propos est d’évoquer, de raconter, de problématiser ce qui a disparu, d’évoquer les différents outils, accessoires, acteurs, personnages, choses et non choses qui ont constitué les utopies de notre civilisation contemporaine mais aussi de notre civilisation tout court. Les morts parlent entre eux, leur corps est similaire, leurs voix à peine différentes, les vivants les écoutent. Ensemble ils créent un dispositif utopique d’écoute et de récits réflexifs. Ensemble il passent la nuit, partagent un repas, s’endorment.
Situation d’énonciation
Les acteurs penseurs s’adressent au public et à leurs compagnons en disant « je » ou « nous », et sont tous identiques. Ils forment une communauté. Leurs voix est amplifiée, car chaque acteur a un micro cravate. On ne sait pas vraiment qui parle. Il y a des soliloques, des dialogues et des conversations à plusieurs voix.
Chaque personnage transmet une expérience, une histoire, une recherche. A l’imparfait. Au passé simple, ou au passé composé.
La situation est à la fois joyeuse et apocalyptique, burlesque et inquiétante, savante et ludique, cyclique, rythmée par les comptines chantées qui annoncent un nouveau mot.