10 x The Eternal
Numero23Prod
Mise en scène/chorégraphie: Massimo Furlan
Durée: minutes
Lieu et année de création: Théâtre Sévelin 36, Lausanne, Suisse – 2013
Le projet 10xThe Eternal joue sur le principe de répétition. Il expérimente la reprise et la forme de la boucle. Sur scène, les corps des interprètes sont enracinés dans l’espace. Immobiles, en attente, à l’écoute. Ensuite les gestes se succèdent, sur le même rythme, ils suivent la musique et sa structure. Puis le morceau recommence, depuis le début, une fois, deux fois, trois fois, … et les actions reprennent. Comme une expérience hypnotique. En perdant les repères de succession, de construction narrative et de progression, le spectateur fait l’expérience d’un espace temps indéterminé. L’éternité c’est la boucle, qui engage toujours une forme identique. Pour les Grecs anciens il y a deux sortes d’éternités : la première est l’éternité des dieux de l’Olympe, celle de la béatitude, de la jouissance extrême, et la seconde est l’éternité des hommes qui attendent dans les Enfers. L’éternité de Sisyphe, celle d’Atlas, celle de Prométhée. Une suite de gestes que rien n’interrompt, qui à chaque instant se répète. Ici les corps se touchent, se blessent, s’entraident, s’observent ou luttent, solitaires.
Des variations s’inscrivent pourtant dans la ligne musicale, dans la gestuelle: la différence loge au cœur de la répétition. Rien n’est identique parce que le temps s’écoule et qu’il ne revient pas, parce que les corps changent, parce qu’ils sont multiples, vivants, parce qu’il ont une autre histoire, un autre nom. Le spectateur se trouve alors placé dans une position où il s’attend à quelque chose, il croit connaître la suite parce qu’il reconnaît la séquence. Mais ce qu’il regarde diffère, il est attentif à de nouvelles formes, de nouveaux liens, d’autres corps. Il ne voit donc pas la même chose, mais à chaque fois une autre chose : il contemple, il imagine, il reconstruit, il rêve.
Ni lyrisme, ni allégorisme : le spectateur est interpellé. En face : face à face. Les interprètes sont pris dans une histoire qui leur appartient. Leur regard perce et traverse.
10xThe Eternal expérimente la fatigue : l’épuisement des corps exécutant de manière ininterrompue une suite programmée de gestes, et la fatigue du spectateur qui se perd dans ce temps infini. Celui-ci se lasse, mais du coup ne peut plus envisager la fin. Il pourrait dire comme l’enfant à qui on lit toujours la même histoire : « encore une fois ». Parce que, repousser la fin à plus tard, voire à jamais, procure un vrai sentiment de plaisir.