Dokkaebi
Cie NUNA / YoungSoon Cho Jaquet
Mise en scène/chorégraphie: YoungSoon Cho Jaquet
Durée: minutes
Lieu et année de création: ,
Les mondes isolés de la danse
Sur le plan transnational, plusieurs pratiques et esthétiques chorégraphiques coexistent, vivant chacune en autarcie tout en s’ignorant parfois ou en se méprisant les unes les autres. Nul besoin pour ces courants de se connaître car chacun a son propre marché, ses propres lieux, ses propres artistes, ses propres spectateurs.
Ce cloisonnement dessine une carte où se distribuent les différents territoires. En Asie notamment, on considère que la danse a le devoir d’exhiber virtuosité et engagement physique. On peut y vivre et mourir sans jamais y avoir été confronté à une autre forme de danse.
Parfois les cartes se recoupent, en Europe notamment, mais jamais cela n’aboutit à une reconnaissance mutuelle : la ville de Lausanne est un exemple assez typique puisqu’elle abrite une compagnie de danse connue internationalement qui vit dans un superbe isolement. Les danseurs de cette compagnie vivent de longues années dans cette ville sans jamais voir un seul spectacle de danse autre que leurs propres productions.
Rencontre de styles et traditions
De l’avis du partenaire du projet, et d’après l’expérience de la chorégraphe d’origine coréenne, les danseurs formés dans nombre de pays d’Asie, aussi divers soient-ils, semblent doués d’une technicité remarquable, empreinte d’un certain classicisme. L’originalité de l’approche et de la pratique de YoungSoon Cho Jaquet, forte de son parcours entre Corée et Suisse et de la variété des formes qu’elle a créées, doit pouvoir bouleverser et déranger cet académisme. Confronter et décloisonner les langages, non pas pour faire la leçon, mais pour en inventer de nouveaux.
Depuis sa création en 2003, la Cie Nuna a réalisé autant de performances dévolues au plateau ou à l’espace extérieur, de spectacles conçus en collaboration avec des plasticiens, des musiciens, des comédiens, des amateurs, des soli, des propositions jeune public, etc. La danse elle-même, stricto sensu, semble parfois s’effacer au profit de recherches plus audacieuses basées sur la voix, l’installation, le théâtre d’objets. Les créations de YoungSoon Cho Jaquet alternent travail sensoriel résolument lié aux matières, scénographies géométriques ou minimalistes et plateaux nus.
La liberté mutine et la curiosité rigoureuse qui caractérisent ses pièces souhaitent aller à la rencontre d’habitus et d’approches artistiques autres. Entrer dans la danse, dans les danses, mettre en présence des styles, des cultures, écoles et normes, pour imaginer un mouvement, un langage gestuel et une écriture collective. La rencontre de ces territoires isolés s’effectuera par la mise en commun de différentes esthétiques comme autant de membres d’un seul et unique danseur invisible.
Solo collectif inspiré du Dokkaebi
La figure du Dokkaebi, issue de la mythologie et du folklore coréen, servira de source d’inspiration à cette composition. Cet esprit espiègle, parfois immoral, apparaît dans de très nombreux contes et légendes. On le retrouve dans les productions coréennes contemporaines, arts visuels, récits, dessins animés pour enfants, etc. Ses représentations s’apparentent à celles des trolls, ogres, lutins loufoques et malfaisants. Doté de pouvoirs magiques, il est capable de se transformer et de disparaître, grâce à son chapeau, un bâton ou un gourdin. Le Dokkaebi use de ses charmes et joue des tours à celles et ceux qui se montrent égoïstes ou malhonnêtes.
YoungSoon Cho Jaquet veut puiser dans cette légende populaire pour profiler la ligne chorégraphique du spectacle. Les interprètes aux techniques et origines différentes cerneront, porteront et incarneront collectivement la figure inspirée du Dokkaebi. Chacun d’entre eux prendra en charge l’un ou l’autre de ses organes, membres, articulations, comme l’avait expérimenté YoungSoon Cho Jaquet dans sa création LES ANIMAUX.
L’ensemble, a priori stylistiquement hybride, participera à l’écriture d’un solo. Celui d’un danseur invisible, joueur, magicien et déroutant, qui pourrait incarner, le temps d’un spectacle du moins, l’esprit de la Danse.
Lumière, sons et costumes
Sous l’œil avisé du plasticien designer Jonas Marguet, qui a déjà collaboré avec YoungSoon Cho Jaquet sur les spectacles HIC, LES ANIMAUX et TAC. TAC., la lumière et le son s’associeront à la chorégraphie pour incarner la figure tutélaire du spectacle.
Les créations lumière, son, musique habiteront, avec les interprètes, un plateau nu ; s’uniront pour faire sensiblement émerger l’esprit du Dokkaebi.
Les costumes se veulent sobres et sans artifices afin de ne pas souligner, autrement que par l’interprétation, les qualités propres des danseurs. Jonas Marguet apportera ses conseils dans les choix de couleurs, de coupes et de matières.