Dry Fish

Dry fish met en scène une performeuse-mannequin et une centaine de calamars séchés sud-coréens… Occupant successivement deux lieux distincts, le dispositif scénographique se présentera d’abord sous la forme d’un face-à-face pour laisser ensuite la place à une déambulation sur un podium de défilé de mode. L’intérêt de ces références à ces univers vient de leur mise à distance provoquée par la présence de cette centaine de calamars séchés. Ceux-ci, dans un premier temps exposés, puis servant de robe à la performeuse, entreront en résonance avec l'attitude de celle-ci à la fois visuellement et olfactivement (un calamar sec sent fort, très fort…). La mise en place de ce dispositif, outre les nombreux jeux qu’elle peut développer, induit une confrontation entre l'imagerie d’un certain type de spectacle occidental et un matériau séculaire, traditionnel, issu d’une autre culture et vital dans la mesure où il s’agit d’une nourriture. Cette confrontation ne vise pas une critique explicite et trop évidente de la société des spectacles, mais tend à souligner la distance et l’étrangeté de la mise en présence simultanée de deux univers de sens et de culture. Ce dispositif s’augmente encore d’une relation multiple au public. Deux types de spectateurs se retrouveront confrontés à la performeuse : tout d’abord celui qui se trouvera en salle et qui aura choisi d’assister à la pièce, ensuite celui qui sera dans le second lieu où se déroulera la performance, un lieu public, le foyer du théâtre (où les spectateurs de la salle suivront la performeuse en robe de calamars). La performance évoluera donc d’un rapport spectaculaire, face au public et distant, à une relation de proximité et de contact et jouera de ce parcours. Les calamars, d’abord objets d’exposition et soumis au regard, pourront être dégustés par le public. Au spectaculaire et à l’olfactif succéderont le goût et le toucher. Ce déplacement d’un lieu à l’autre impliquera aussi un changement de statut pour le public de la salle : de spectateur, il intégrera la performance au même titre qu’un acteur, vu qu’il participera du cortège accompagnant la performeuse et ses poissons secs. A noter que le nombre de calamars sera sensiblement identique à celui des places disponibles en salle… Trois éléments fonctionnent comme des clés dans les pièces de YoungSoon Cho Jaquet : le public considéré comme un élément constitutif de la performance, la création d’un lien entre art asiatique et art occidental et une attention persistante aux questions de mémoire et d’origine.