Fantasmagoria

En constante mutation, recombinant sans cesse relations et variants, le diorama des mondes possibles de Philippe Quesne conjure la fatalité des temps. Fantasmagoria: du grec phantasma "fantôme", et agoreuein "parler en public". Vision fantastique, surnaturelle. Féerie. Ensemble dʼidées, de représentations qui captivent par leur pouvoir dʼillusion. Fantasmagoria: Philippe Quesne ouvre en grand le rideau du théâtre et élargit le cadre de scène. Et que voit-on ? Une matrice plurielle, une sorte de cabinet de curiosité neuronal, un train fantôme dérivant dans lʼinfini potentiel du monde humain: autrement dit le jeu incessant des rapprochements plastiques et sonores, un peu comme les idées viennent à lʼesprit. Les matières dissertent, les êtres sʼattachent aux choses, aux souvenirs, aux musiques dans une combinatoire qui doit autant au hasard, à lʼintelligence quʼà des principes dʼaffinités mystérieux (la vie va-t-elle autrement?). Philippe Quesne expose ainsi le castelet de son théâtre. Il contient le paysage des possibles dont chacun de ses spectacles nʼest quʼune des réalisations – un peu comme le champignon quʼon ramasse en forêt nʼest quʼune forme visible du vaste mycélium qui courre sous lʼhumus et active les échanges énergétiques dans le sol. Dans ce paysage théâtral, les fantasmes de situations réelles, les spectres de lʼart savant ou populaire, les esprits bienveillants et lʼensemble de la machinerie théâtrale semblent se donner le mot. Ils formulent ensemble un chant de la terre dans lequel dialoguent rêves et réflexions, amitiés et menaces, contes enfantins et sciences contemporaines. Fantasmagoria: théâtre des représentations qui ouvrent des chemins de traverse, cabane de foire de lʼesprit lorsquʼil se fait visionnaire, coq-à-lʼâne féerique. Cet écosystème ouvert ne distingue pas le mythologique du physique, les fictions des nouvelles du monde. Comme lʼAleph de Borgès, il contient tous les mondes possibles – et une vision généreuse et comme oubliée de la présence de lʼhumain sur terre.