Les Italiens

Les artistes et les spectateurs de Vidy les connaissent bien : Giuseppe, Orlando, Vitto, Silvano, Luigi et leurs collègues se rassemblent à la Kantina tous les après-midi, par équipe de deux, pour jouer à la scopa, un des célèbres jeux de cartes italiennes. Ils se retrouvent pour dʼinlassables parties animées jusquà la tombée du jour, témoins complices et amusés des activités du théâtre. En 2016, Massimo Furlan leur avait proposé de participer à la nuit de performances que Vidy lui avait consacré, en incarnant ses Blue tired heroes, des supermen en pyjama bleu, culotte et chaussettes rouges. Pince-sans-rire, ils avaient alors révélé dirrésistibles talents dimprovisation… Aujourdhui à la retraite, ils sont arrivés en Suisse dans les deux premières décennies daprès-guerre, jeunes hommes à peine sortis de ladolescence fuyant leur pays, et servent de maindoeuvre à une société helvétique à la croissance rapide. Maçons, ferblantiers ou chanteurs, ils se sont chacun fait une situation, comme on dit, au gré des aléas du destin. Le metteur en scène Massimo Furlan, lui-même dorigine italienne, invite trois générations dItaliens à témoigner sur scène de leur histoire, de leur métier et de la question de lintégration. Après le déracinement et le déchirement davec ceux qui restent en Italie, comment apprendre une langue, se faire des amis, créer une famille pour la plupart, enfin, comment se sentir chez soi dans ce pays daccueil ? Il y a Giuseppe Capuzzi, Silvano Nicoleti, Luigi Raimondi, issus de cette première immigration, qui sont rejoints par leurs «fils», de la «deuxième génération», Francesco Panese, Vincenzo di Marco, le chanteur et comédien Miro Caltagirone, nés en Suisse, et par Alexia Casciaro et Nadine Fuchs, danseuses contemporaines. Ils racontent leurs souvenirs et leurs rêves, partagés entre leur Italie natale et une Suisse quils ont contribué à bâtir et qui se révèle, à les écouter, aussi belle que méfiante, aussi ingrate que solidaire, et désormais la seule patrie des leurs. Sur scène, ils vont donner corps et visages aux statistiques impersonnelles de limmigration, en leur opposant leurs histoires singulières.