Spectacle «idiot»* par excellence, KKQQ montre Tiphanie, Michèle et François, 3 comédiens en permanent décalage spatio-temporel.
On les voit à la fois : se filmant - tantôt enfermés dans une cabine de tra- duction, tantôt sur le plateau - et en projection, chacun sur un écran.
Tandis que sur les 3 écrans disposés côte à côte on les voit et les entend échanger, on devine - en les observant chacun dans sa cabine - qu’il y a un décalage temporel entre leurs actions et le film projeté.
On comprend peu à peu que pour donner - sur les écrans - l’illusion d’un échange simultané, chacun a dû enre- gistrer sa partition, décalé dans le temps, à une vitesse différente.
A ce décalage temporel concret s’ajoute celui que produit le contraste entre les banalités quotidiennes échangées sur les écrans - donnant l’illusion d’une apparente simplicité - et le formidable procédé technique à l’oeuvre en arrière-plan : chaque échange s’inscrivant dans une méticu- leuse construction temporelle et s’ap- puyant sur un jeu performatif (au ralenti), chaque mot, chaque action - même futile - est une prouesse en soi.
Tout comme son titre, KKQQ est une «machine poétique» à fabriquer des possibles, qui abandonne à chacun le soin d’emprunter - ou non - l’un ou l’autre des chemins qu’elle révèle.
*Selon l’éthymologie du terme idiotie que fait Clément Rosset «Idiotès, idiot, signi- fie simple, particulier, unique [...]. Toute chose, toute personne sont ainsi idiotes dès lors qu’elles n’existent qu’en elles- mêmes.», in «Le Réel, traité de l’idiotie», Editions de Minuit.
