Amauros

Cie Nicole Seiler
Mise en scène/chorégraphie: Nicole Seiler
Durée:

Lieu et année de création: 4

J’ai lu dans un ouvrage de recherche que décrire la danse était un acte grave. Je suis d’accord. Parce que danser c’est se soustraire au langage articulé. Parce que regarder la danse c’est se soustraire au langage articulé. On sait bien que la danse se réduit dans le mot. Que le vocabulaire, même précis, est insuffisant pour dire l’unicité d’un geste. Cependant une danse qui ne pourrait s’énoncer n’aurait pas figure humaine. Décrire la danse. Si ce n’est un acte grave, c’est du moins un acte sérieux Séverine Skierski dans Amauros Le titre Amauros signifie aveugle / sombre en grec ancien. L’idée originale de ce spectacle est de suggérer la danse interprétée sur la scène grâce au son. Lors de la création de Playback, la pièce précédente de Nicole Seiler, l’équipe a assisté à des séances de cinéma pour l’oreille, à des conférences sur les rapports entre son et image en cinéma, a visionné des films en audio-description et rencontré des danseurs et des spectateurs de danse aveugles, dans le but de décortiquer les relations entre son et image. Il est rapidement devenu clair qu’il y avait là du matériel à traiter pour plus qu’une seule pièce. En effet, loin d’être une mutilation, le remplacement du son ou de l’image par le texte enrichit la lecture des œuvres, ouvre la porte à tout un imaginaire propre au spectateur et les décalages engendrent de nouvelles significations. Si dans Playback c’était l’absence de musique qui stimulait l’imaginaire du spectateur, dans Amauros c’est l’absence d’image qui joue ce rôle. Le bruitage est la reconstitution artificielle de bruits pour la radio et le cinéma. Pendant une semaine, Pascal Mazière, bruiteur professionnel, a enseigné aux danseurs de la compagnie les rudiments de ce métier qui implique l’utilisation d’accessoires variés et souvent sans rapport avec la source des sons imités (entonnoirs en plastique pour le trot des chevaux, paquet de maïzena pour des pas dans la neige, froissements de bande magnétique pour le feu). L'audiodescription est un procédé qui permet de rendre accessible des films, des spectacles ou des expositions aux personnes non-voyantes ou malvoyantes grâce à un texte en voix-off qui décrit les éléments visuels de l'œuvre. Pour le spectacle Amauros, Séverine Skierski, audiodescriptrice pour le cinéma et le théâtre, a enregistré plusieurs descriptions de chorégraphies. Au début du spectacle, après une brève ouverture musicale diffusée dans l’obscurité, on découvre deux micros sur pied posés au milieu d’un bric-à-brac d’objets peints en noir disposés sur le sol. Sur un écran suspendu dont les spectateurs ne voient que l’envers sont projetés des extraits de chorégraphies célèbres que les quatre interprètes sont les seuls à pouvoir regarder. Au moyen des objets à leur disposition, ils bruitent les images : ils simulent les étoffes en froissant des couvertures, les pirouettes en faisant tournoyer des cordes, les pas en frappant le sol, … L’attention des danseurs est concentrée sur l’écran avec une rare intensité. Possédés par une énergie commune, ils partagent les mêmes rythmes, font claquer des étoffes et sursautent de concert. Ils forment un corps de ballet insolite qui est tout autant un groupe de musique : les gestes bruités sont parfois esquissés, les bruiteurs se laissent parfois emporter par la danse, mais l’objectif des interprètes demeure la production du son. Il y a quelque chose de fascinant à observer ces individus, si divers, déployer un vocabulaire chorégraphique inédit, engagé et tendu vers le même objectif. Déconcerté par le dispositif et, dans un premier temps, frustré peut-être de ne pouvoir visualiser les films, le spectateur comprend petit à petit que l’intérêt de la performance ne réside pas dans les projections elles-mêmes ou une éventuelle adéquation des sons produits aux actions filmées qu’ils sont d’ailleurs bien incapable d’évaluer, mais dans cette présence, dans cette intensité et dans la gestuelle si particulière des bruiteurs. Dans la deuxième partie du spectacle, la lumière descend et cède la place au noir. La description des scènes de danse est diffusée tandis que les danseurs continuent à bruiter dans l’obscurité. Une chorégraphie prend alors corps dans l’imaginaire des spectateurs. Chorégraphie rêvée par chacun au sein de laquelle le texte de Séverine Skierski sert de guide, à la manière de l’accompagnatrice qui tient la main de l’aveugle mais ne le force jamais à suivre tel ou tel chemin. Malgré de nombreuses tentatives pour l’écrire (Laban, Cunningham), la danse, et surtout la danse contemporaine, est considérée comme plus autographique1 que les autres arts de la scène. En effet elle possède une immédiateté dans sa monstration et sa réception qui transcende tout lieu d’inscription. Faut-il alors abandonner toute tentative en ce sens ? La danse se transmet pourtant: hier par la parole et l’exemple, aujourd’hui grâce à la vidéo. Qui dit transposition, dit transformation, évolution, renouvellement. La musique, autre art de l’instant, ne serait jamais devenue ce qu’elle est si elle n’avait été écrite, à un moment de son histoire. Nicole Seiler a décidé de transposer la danse dans Amauros, non dans le but de la fixer mais, au contraire, à la manière d’une opération alchimique, de transfigurer le matériau chorégraphique de base et d’en faire une chorégraphie autre. Elle use de deux méthodes successives différentes. Dans la première partie, les danses filmées font l’objet d’une transformation par l’intermédiaire de la consigne donnée aux interprètes: bruiter des films de danse. Bruiter signifie bouger en vivant intensément les scènes donc danser. Dans la seconde partie, c’est au public qu’il revient de recréer les scènes décrites dans le noir, de les chorégraphier et de les interpréter à sa façon. Donc danser à nouveau. La perte de la vision, vécue dans un premier temps par le spectateur comme une mutilation, une privation ("mais quelles sont ces images qu’ils ont le droit de regarder et pas moi") fait ainsi place à un nouveau vécu, à l’univers fascinant et cocasse du bruitage, puis à la liberté et à l’infinité des possibles offert par l’obscurité. Christophe Jaquet, dramaturge
Contemporain

Cie Nicole Seiler
Rue du Valentin 34 et demi
Association Plus
1004 Lausanne
Suisse

+41 21 566 70 32
nicoleseiler.com

Nicole Seiler, Direction artistique
076 562 78 94
nicole@nicoleseiler.com

Chorégraphie
Nicole Seiler

Auteur·ices
Nicole Seiler

Production
Cie Nicole Seiler

Collaboration artistique
Christophe Jaquet
Conception
Nicole Seiler
Interprétation
YoungSoon Cho Jaquet, Dominique Godderis- Chouzenoux, Christophe Jaquet, Mike Winter
Scénographie
Vincent Deblue
Lumière
Stéphane Gattoni
Son
Philippe de Rham
Musique
Stéphane Vecchione
Costumes
Cécile Delanoë
Administration
Cristina Martinoni
Mais encore
Audiodescription: Séverine Skierski, Conseil bruitage: Pascal Mazière, Dramaturgie: Christophe Jaquet, Stagiaire médiation: Sophie Martin-Achard, Diffusion: Tutu Production

Aucune représentation

Südpol Luzern, Kriens
8 au 9 juin 2012

Gessnerallee, Zürich
26 au 27 mai 2012

Théâtre Sévelin 36, Lausanne
13 au 16 octobre 2011

Festival TNT Terrassa Noves Tendencies, Terrassa, Espagne
30 septembre 2011

Autres spectacles de la même structure productrice