Les palmiers sauvages

En tant que metteure en scène, Séverine Chavrier travaille un théâtre le plus souvent ancré dans la littérature, et qui voudrait faire matière de tout: la musique, la voix, le corps, la vidéo, la scénographie, les accessoires. Avec cette indépassable particularité que tout se construit avec les interprètes. Et toujours avec un sens du rythme qui règle les mouvements sur le plateau au soupir près. Elle plonge aujourd’hui dans le monde singulier de William Faulkner, observateur impitoyable des mouvements de l’âme humaine. Onzième roman du grand auteur américain, "Les palmiers sauvages" décrit la passion brutale de deux êtres en rupture de ban. Charlotte Rittenmeyer quitte son mari, ses enfants et sa vie tranquillement bourgeoise pour aimer Harry; Harry Wilbourne interrompt son internat de médecine pour fuguer avec Charlotte. Leur amour se transforme en descente aux enfers, avec des dimensions mythiques, chimériques: damnation, expiation, rédemption. Séverine Chavrier: "Est-ce qu’une relation vécue comme une œuvre d’art n’est pas une entreprise solitaire, vouée à l’échec? Est-ce qu’un art d’aimer poussé à son absolu ne devient pas un art de mourir?" Ce livre très terrien, plein d’odeurs, de silences, de bruits – ici, le vent qui claque dans les palmiers du bord de mer – , se donne comme une cavalcade dans de multiples paysages. Espaces exténués, en décomposition, prémonitoires. Séverine Chavrier s’attache d’abord à la sensualité des éléments et à l’atmosphère de cette fatale course en avant. Son adaptation se cale sur chacun des lieux du roman, et prend comme guide les instants de lucidité tranchante qui sont donnés à chaque personnage à un moment ou un autre. De réels éblouissements. Des moments de vérité qui sont comme le squelette de l’histoire. Pour raconter à la fois cet amour et son impossibilité.