Après King Kong Théorie adapté de Virginie Despentes et Le Zoophile dʼAntoine Jaccoud créé à Vidy au printemps, la metteuse en scène romande Émilie Charriot complète avec Passion simple dʼAnnie Ernaux une trilogie consacrée à la sexualité confrontée à lʼaffect, aux acquis culturels et aux enjeux politiques. Ce court roman dʼune des auteurs majeurs de la littérature contemporaine rapporte un an de sa vie durant lequel elle sʼest entièrement abandonnée à une relation avec un amant, organisant son existence intime, sociale et professionnelle autour de lʼattente de leurs rares et furtives rencontres. Annie Ernaux pratique lʼautofiction, un récit biographique pudique, sans sentimentalisme ni narcissisme : la description littéraire, quasi sociologique, de ce qui lui est arrivé, comme si cela décrivait autre chose quʼelle-même. Elle détaille ce que le désir, lʼattente et la passion bouleversent, faisant finalement de lʼabandon à lʼautre le comble du luxe. Un luxe dʼêtre passionnée dont Émilie Charriot décèle la charge politique à travers lʼaffirmation dʼune femme face à un modèle social de féminité encore cadré et figé. Cherchant un théâtre sur le fil de la transgression sans abandonner lʼémotion et lʼénoncé, Émilie Charriot trouve avec Annie Ernaux un autre chemin pour mettre en scène un être-femme dʼaujourdʼhui, rapprochant les jeux et les codes de la passion amoureuse du caché-dévoilé du théâtre. Amour et théâtre sont alors pour lʼartiste comme deux moyens de se révéler à soimême et de composer son identité hors des cadres normatifs. Après un concert de chansons françaises amoureuses et la rencontre avec une jeune adolescente elle aussi passionnée de théâtre, Émilie Charriot se met alors elle-même en scène pour faire entendre la puissance contenue de cette brûlante Passion simple dʼAnnie Ernaux.